DES KENTOS AUX QUINTOS Endurcissement ou assombrissement des phalanges, quand le karaté prête ses mots à l’esthétique.

Qu’est-ce que les karatékas et les coquettes désabusées de Yaoundé peuvent bien avoir en commun? Des jointures traumatisées bien sûr.
Porter des coups vifs est l’essence du karaté, avec ses mains, avec ses pieds. Les phalanges, très sollicitées portent alors les stigmates de leur hyperactivité, calcification, durcissement de la peau. On les appelle les kentos. Une dénomination dont les coquettes se sont attribuées la forme phonétique: arborer des phalanges rugueuses et hyperpigmentées, c’est avoir des « quintos ». Autant au karaté on peut en être fier, autant c’est une source de honte quand la cause principale vient de l’usage de produits blanchissant. Kentos depuis le Japon, Quintos pour les coquettes, Les deux sont inesthétiques, mais si les premiers relèvent de l’art martial, les seconds relèvent du déni racial selon les pourfendeurs de la pratique du blanchiment de la peau.

LES KENTOS OU L’ENDURCISSEMENT SALUTAIRE:

Au karaté, la première arme du pratiquant c’est son propre corps. Pour améliorer son efficacité au combat, il faut parvenir à utiliser chaque membre du corps humain comme une arme potentielle. Les kentos font partie de ces armes naturelles, ils désignent la partie des phalanges de l’index et du majeur, qui ressort quand on forme le coup de poing. Ces phalanges, connues pour leur dureté, sont la base des attaques de poing (seiken).
Le mot « kentō » (拳頭) est composé de deux kanji :
拳 (ken) : signifiant « poing » ou « main fermée ».
頭 (tō) : signifiant « tête » ou « extrémité ».

Ainsi, de manière figurative, le kento désigne la « tête du poing », c’est-à-dire la partie du poing utilisée pour l’impact, qui sollicite les articulations des doigts.
Il n’est pas étonnant de voir des karatékas avec des kentos qui ressemblent à des cors ou des cornes posés sur la jointure des doigts.
Il est d’ailleurs indiqué d’endurcir ses kentos pour donner plus d’impact à ses coups.
Les spectaculaires démonstrations de casse sur brique ou bien sur une surface encore plus dure, nous confirment qu’il vaut mieux renforcer ses zones de frappe avant de s’y mettre. Repousser à chaque fois les limites du corps humain, comme les célèbres moines du Temple de Shaolin, a un prix que le corps humain paie souvent rubis sur l’ongle.
La casse est d’ailleurs une composante de la compétition dans le Karaté Kyokushinkai où les combattants sont départagés par une épreuve de casse sur pain de glace. Il faut aussi rappeler qu’à l’origine, le durcissement du corps faisait partie intégrante du Karaté Shotokan. Il en demeure que l’endurcissement des kentos et même des orteils procure un avantage comparatif au pratiquant.

L’endurcissement n’est pas sans dangers. C’est un processus traumatique qui peut susciter des déformations et des douleurs chroniques.
Lorsqu’on utilise beaucoup ses phalanges, ce sont les os qui sont le plus concernés par processus de renforcement. Ce processus consiste en la création de microlésions : l’os ainsi mis à l’épreuve ira chercher le calcium nécessaire dans le sang afin de se réparer et de se renforcer. Petit à petit, ce phénomène s’amplifiera et le rendra plus dur, plus résistant et plus compact. C’est la réponse de l’os au stress qu’il subit au cours de l’endurcissement.
Le renforcement de la zone de frappe est accompagné d’une disparition progressive de la douleur. On peut donner des coups en toute confiance, on sait qu’on n’aura pas mal. Parce que les nerfs sont devenus moins sensibles et on observe un effet de conditionnement ; petit à petit, le cerveau ne traitera plus le message d’alerte de la douleur.
De plus, une épaisse couche de peau sèche et dure apparait sur la zone soumise aux traitements : la corne. L’hyperkératinisation à l’origine de la corne offrira donc une protection supplémentaire.

Le célèbre maître Mas Oyama, fondateur du karaté Kyokushinkai, connu pour ses impressionnantes démonstrations de casse (notamment sur des cornes de taureaux), est un modèle autant d’endurcissement que des conséquences désastreuses de ce processus. D’après ses propres enfants, il souffrait au niveau des articulations, une douloureuse arthrose a perturbé sa retraite bien méritée.
Le Karaté d’Okinawa (Goju-Ryu, Uechi-Ryu…) propose de multiples exercices d’endurcissement maîtrisé et sa méthode reste une référence dans le monde martial. Sensei Seîko Toyama (10ème Dan de Uechi-Ryu) soutient que « l’endurcissement bien dosé, progressif et sous surveillance n’est pas dangereux ».

Pour aider à la cicatrisation rapide des lésions causées par l’endurcissement (des kentos et des muscles impliqués dans la pratique d’un art martial), il y a le « Dit dat Jow ». C’est un liniment ( liquide gras qui contient un médicament, pour frictionner la peau) utilisé dans les arts martiaux pour traiter les blessures externes (ecchymoses ou les muscles douloureux). C’est un mélange, à base d’alcool ou d’huile dans lesquels ont infusé différentes herbes médicinales, selon des recettes transmises oralement de génération en génération, et volontiers gardées secrètes. On peut donc le fabriquer soi-même si l’on a connaissance d’une de ces recettes. Il faut masser généreusement et consciencieusement la zone affectée avec le liniment. Il est déconseillé aux femmes enceintes de l’utiliser.
Le Dit dat Jow qu’on retrouvait spécialement chez les apothicaires (préparateurs en pharmacie) ou chez les maîtres (sensei), est à présent disponible sur le net, dans la vente en ligne. Certaines recettes ont aussi la réputation de soigner/soulager l’arthrite et les douleurs articulaires.

QUINTOS : UN ASSOMBRISSEMENT MALVENU

Le terme laisse plus d’un songeur. On sait très bien ce que c’est que les quintos, mais pratiquement personne ne sait d’où vient cette curieuse appellation.
Très peu savent que c’est le karaté qui nous a offert les quintos. Seul les sons ont traversé la barrière de la vulgarisation. Les kentos, ces phalanges de karatékas, traumatisées, déformées et rugueuses, sont donc devenus les quintos, pour toutes les personnes, hommes et femmes, qui présentent une hyperpigmentation inesthétique des jointures (mains et orteils).

Les quintos des coquettes/coquets désignent des zones plus foncées sur les les jointures, qui apparaissent sur les peaux noires ou mates.
Certains pensent que le coupable est tout trouvé: le blanchiment de la peau avec des substances décapantes, qui blanchissent tout le corps, sauf les parties d’opposition, phalanges et orteils, réfractaires à tout blanchiment, qui mettent même un point d’honneur à noircir davantage, au fur et à mesure que le reste du corps blanchit.
Le blanchiment de la peau n’est qu’une cause parmi tant d’autres, puisque même les personnes à la peau d’ébène, arrivent à avoir des jointures encore plus sombres.
Les différents facteurs qui favorisent l’apparition et l’installation des quintos sont:
L’ exposition au soleil, l’hyperpigmentation (une production excessive de mélanine dans ces zones peut entraîner un assombrissement), les frottements (qui créent des microlésions, favorisant la kératinisation et l’hyperpigmentation), les fluctuations hormonales (les changements hormonaux, comme pendant la grossesse, peuvent influencer la production de mélanine), le vieillissement (le processus naturel de vieillissement peut également contribuer à l’apparition de quintos), et enfin l’utilisation de produits chimiques agressifs (produits de nettoyage ou cosmétiques), blanchissants ou pas.

Les phalanges sombres sont un problème esthétique hypermédiatisé, voire dramatisé. Les quintos sont des kentos qui embarrassent, ils passent pour la preuve irréfutable qu’on a utilisé certains produits pour blanchir sa peau et renier sa race d’ébène.
On appelle péjorativement ce processus de blanchiment de la peau noire: le ndjansang, du nom des graines de ricinodendron, qui donnent un condiment parfumé qui a la propriété de blanchir et d’épaissir les sauces. Conspué, renié, stigmatisé, le ndjansang est pourtant loin de vivre ses derniers jours. De nouvelles molécules (glutathion, arbutine, acide kojique astaxanthine, etc) permettent aux coquettes/coquettes d’obtenir un éclaircissement intégral sans quintos, le tout sans atteindre des teints aussi clivants que le « blanc/rosé peau de cochon ».

On peut donc utiliser des produits blanchissant et obtenir un teint « caramel doré », « teint jaune banane », « teint égyptien », « métisse brésilienne », « métisse sahélienne », « teint thaïlandais « , « teint coréen », « métisse japonaise », « métisse vietnamienne », etc.
Quoi qu’il en soit, le moindre changement de teint, dès qu’il est perceptible, expose à des remarques désagréables, parfois violentes.
Pourtant, la nature elle-même n’a pas prévu que tout les humains d’Afrique arborent une peau d’ébène. La peau noire a une quarantaine de nuances dont les plus claires, pourtant naturelles, ne trouvent pas leur place dans le « black is beautiful ». Les coquettes/coquets ont beau objecter qu’ils ne veulent pas devenir blancs, que la peau blanche ce n’est pas seulement une couleur, mais aussi une texture « cochon gratté  » qui ne les tente pas, ils ont beau jurer qu’ils n’aspirent qu’à un teint propre et sans taches, qui permet de distinguer clairement leurs traits, rien n’y fait. On leur souhaite d’horribles quintos éternels et pourquoi pas un petit cancer pour servir de leçon aux autres.

Ainsi, quand on a la peau claire, il n’est pas rare que des regards indiscrets balaient mains et pieds, à la recherche du moindre quinto qui pourrait trahir un blanchiment de la peau. Certains, qui ont les jointures naturellement noires, stigmatisent quand même encore les autres. Parce qu’il est de bon ton de stigmatiser tout éclaircissement suspect, accompagné d’un assombrissement des jointures encore plus suspect. Ce qui fait que la lutte contre les conséquences désastreuses du blanchiment de la peau, est une affaire de stigmatisation plutôt que de pédagogie.
Comment convaincre des coquettes d’arrêter de se blanchir la peau, quand elles constatent qu’elles ont plus de succès auprès de la gent masculine depuis qu’elles sont sorties de leur époque sombre?
Comment les décourager en secouant l’épouvantail du cancer de la peau devant leurs yeux, alors même qu’elles n’ont pratiquement pas d’exemples de ce type de cancer chez des tantes qui décapent leur peau depuis près de 40 ans?

Elles ont conscience qu’elles pourraient entrer dans la vieillesse avec la peau abîmée depuis longtemps, sans pour autant avoir autour d’elle un exemple dissuasif de cancer de la peau. Vu la quantité de femmes qui se décapent la peau au Mboa, la prévalence de ce type de cancer est étonnamment faible, il devrait y avoir, dans chaque hôpital de référence, un pavillon dédié aux désastres du djansang à l’instar des « pavillons bendskins » qui accueillent de nombreux et malheureux bendskineurs (motos-taxis) accidentés, le plus souvent victimes de leurs propres imprudences.
Pour autant, les coquettes/coquets ne sont pas à l’abri de différents désordres endocriniens qui arrivent après un usage prolongé de substances dangereuses comme l’hydroquinone, les corticoïdes, etc.

Il existe une flopée de recettes et de produits pour venir à bout des quintos, de sorte que beaucoup de coquettes/coquets ont souvent la chance de mettre fin à leur calvaire en blanchissant leurs quintos.

Voilà, vous savez tout sur les kentos et les quintos, qui peuvent évidemment se rencontrer chez le même individu. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train de conseiller aux coquettes/coquets de se mettre au karaté pour cacher leurs quintos dans les kentos. Je leur souhaite seulement de s’endurcir devant les moqueries, qui ne sont pas toujours fondées.

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