La patate douce est le légume-friandise qui ne laisse pas indifférents des milliards de gourmets à travers le monde. Déjà cultivée dans les Andes, entre 800 et 1000 ans avant le premier millénaire de notre ère, elle a été diffusée en Afrique et en Asie au moment de la colonisation. Le Japon la découvre vers 1600, le Cameroun plus de 2 siècles plus tard. L’arrivée de nouvelles variétés, plus sucrées, plus parfumées, plus moelleuses et plus fondantes, laisse subodorer que la patate douce n’a pas fini d’offrir des trésors de délices cachés sous sa chair goûteuse. Patate du Japon, patate du Cameroun: douce pour un, douce pour tous!
La patate douce est un produit importé qui a été japonisé de la plus délicieuse des manières. D’abord introduite dans les îles Ryûkyû (Okinawa de nos jours), la patate douce s’installe remarquablement dans la région de Satsuma, sur l’île de Kyûshû (sud-ouest), ce qui lui a valu d’être baptisée satsuma-imo, la « patate de Satsuma ». On l’appelle aussi parfois kara-imo, Kara étant l’un des noms de l’ancienne Chine, ou même kansho, qui se rapproche de leur nom chinois, gānshǔ.
Le marché de la patate douce, est en plein essor et les gourmands y travaillent activement.
Le succès de la patate douce est dû à la grande variété des produits proposés, qui vont de la patate sucrée rôtie, yaki-imo, à différentes friandises qui rivalisent d’originalité.
D’abord rôtie à la pierre chaude, dans les années 1950, et vendue dans des remorques, la patate gagne en popularité parce qu’elle est accessible. On peut en trouver devant sa porte, proposée par des vendeurs ambulants qui sillonnent les quartiers, même résidentiels, en lançant un guttural «ishiyaaaki-imooo», qui annonce que le régal, la patate rôtie, est là dans la rue et attend les gourmands.
La demande baisse avec l’arrivée des supermarchés et des supérettes konbini, mais la commercialisation d’une machine électrique pour rôtir les patates douces en 2010 a relancé la patate douce.
L’optimisation de la culture sélective a donné naissance à des variétés plus sucrées et plus juteuses comme l’annô-imo et la silk sweet, qui ont une consistance plus gluante et collante. Avec l’arrivée de l’annô-imo, plus fondante et plus sucrée, la popularité et la notoriété de la satsuma-imo se renforcent.
Au Japon, on retrouve plus de 60 variétés de patates douces, les gourmands ont ainsi à portée de langue des combinaisons multiples de saveurs, parfums et textures.
Au Japon, la patate douce évolue avec le goût des consommateurs. S’ils la souhaitent moelleuse, ils ont la beni-haruka à leur disposition. S’ils la souhaitent plus farineuse, la beni-azuma les ravira. S’ils veulent un produit intermédiaire, avec un bon équilibre entre le farineux et le moelleux, la kôkei 14 gô (kôkei numéro 14) fera l’affaire.
Pour répondre à l’augmentation de la demande et rationaliser la commercialisation, deux variétés sont retenues en 2022, l’annô-beni à peau rouge et l’annô-kogane à peau jaune pâle. Ces deux variétés sont inscrites en tant que « patates douces de Tanegashima » dans la liste nationale des appellations/indications géographiques.
Les recettes japonaises à la patate douce, appréciées autant par les enfants que les adultes, sont saisissantes par leur variété et une originalité.
Ainsi, le produit phare reste la patate rôtie sur des pierres chaudes. L’appareillage nécessaire est disponible dans le commerce. Lorsqu’on les laisse reposer suffisamment longtemps, les ondes infrarouges lointaines émises par les pierres cuisent doucement les patates, ce qui augmente leur concentration en sucre et élimine l’excès d’eau pour faire ressortir leur goût sucré naturel.
La patate douce s’accommode bien façon tempura: elle est enrobée d’œuf et de farine puis frite.
La patate douce, cuite à la vapeur, tranchée et séchée au soleil donne l’excellent hoshi-imo.
Coupée en frites longues et fines, cuite dans de l’huile et confite, la patate douce permet ainsi de réaliser un en-cas sucré appelé imo-kenpi.
Elle sert aussi à fabriquer l’imo-jochu, un alcool qui utilise les sucres naturels de la patate douce dans le processus de distillation.
C’est aussi en raison de ces sucres naturels que la patate douce est souvent utilisée dans les friandises et les bonbons.
En dehors des en-cas comme l’imo-kenpi, la patate douce agrémente à merveille des gâteaux, des parfaits, des crèmes glacées, des granités (glace pilée), des puddings. La diversité des desserts à base de patate douce ne cesse de croître.
Avec l’apparition de nouvelles variétés et la diffusion de nouvelles manières de les accommoder, on peut conclure que l’amour que les japonais vouent à la patate douce est bien nourri et loin de tarir.
CAMEROUN: patate douce timide qui régale les convaincus.
La patate douce, cultivée dans diverses régions du pays, est un élément essentiel de l’alimentation locale. Elle contribue à la sécurité alimentaire en fournissant une source de glucides et de nutriments essentiels, en particulier dans les zones rurales.
Certains apprécient sa douceur, d’autres la rejettent pour cette même douceur qu’ils trouvent suspecte, quand ils ne renvoient pas carrément la patate douce à l’alimentation des enfants (ce qui est sucré c’est pour les enfants, ce qui est fort en goût, amer, salé pimenté, c’est pour les adultes, selon une opinion répandue).
La patate douce est aussi célèbre parce que la sagesse populaire prescrit de l’éviter soigneusement dans une association qui pourrait laisser le mangeur déshydraté et suffoquant: le mélange pâte d’arachides/patate douce, épais et doucereux, nécessitant des quantités incroyables de salive pour être ingurgité. Interdit parce que les difficultés pour lubrifier un tel mélange par la salive pourraient causer des essoufflements. De même que la mobilisation de tous les fluides disponibles dans la bouche et dans l’estomac pour assimiler le mélange énergivore pourrait accélérer la déshydratation du corps du mangeur. Bref, on recommande vivement de manger des patates douces, parce qu’elles sont délicieuses et nourrissantes, mais jamais avec du beurre de cacahuètes (pâte d’arachides), de la sauce d’arachides, du koki ou du ragoût de haricots rouges. Tant de lourdeur lors d’un seul repas serait une épreuve terrible pour l’estomac du plus courageux mangeur.
Ce qui emmène à la conclusion qu’une association de bonnes choses n’est pas toujours heureuse. Parfois il est nécessaire de prendre les bonnes choses l’une après l’autre, et surtout l’une sans l’autre.
C’est assez drôle que la patate douce camerounaise soit plus connue par ce qu’il ne faut pas faire avec d’elle, ni avec elle.
S’agissant des recettes, chaque famille a la sienne, et tout se passe comme si les uns et les autres ressentent peu la nécessité de vulgariser leur recette, ou de l’enrichir, voire d’adopter celle des autres .
Pourtant, les recettes sont aussi nombreuses que délicieuses.
Toutefois, la patate douce a fait une entrée remarquable dans les boulangeries, où elle permet de réaliser des pains, des gâteaux et des cookies sans gluten. Déjà qu’elle continue de participer à la renommée du célèbre « Kumba Bread » un pain dont le pouvoir rassasiant n’est plus à démontrer. La farine de patate douce, ajoutée à la farine de blé donnent à ce pain une texture unique, comme un pain de mie plus dense et plus lourd, son prix abordable achève de convaincre les affamés.
Pour manger la patate douce, les camerounais optent volontiers pour la simplicité:
La patate douce vapeur sert ainsi d’accompagnements à de multiples plats.
La préparation la plus partagée est : patate douce épluchée ou non, portée à ébullition dans de l’eau bouillante. Vient ensuite la patate douce cuite sur des braises, dans sa peau. Les mets susceptibles d’être accompagnés sont: les viandes/poissons/volaille en sauce (sauce tomate, sauce de graines de courge (qu’on appelle au Cameroun « le pistache »), pépé soup, etc), les légumes sautés: (feuilles de morelle (zôm), fôlong, choux, feuilles de manioc, feuilles de gombos, etc).
Les frites de patate douce font le bonheur des petits et des grands. Les becs sucrés les préfèrent aux frites de pomme de terre. Dans le Diamaré – Région de l’extrême-nord, les frites de patate douce, dinndinkolo en Fufuldé, se vendent au marché, elles sont saupoudrées de piment rouge. La suavité de la patate douce alliée au piquant du piment ravit les amateurs du sucré-salé.
Le gâteau de patate douce est une curiosité savoureuse. Il est fait à partir de patate douces épluchées et
cuites à la vapeur. Une fois refroidies, les patates douces sont réduites en purée. On peut alors ajouter des jaunes d’œuf un à un, en mélangeant bien, pour lier la préparation, du sucre semoule et de la farine, de l’huile pour l’adoucir, puis du rhum, de l’essence de vanille ou du sucre vanillé. Après avoir bien travaillé la pâte, on la met dans un moule à cake, 35 à 40 minutes à 200°C (thermostat 7, selon son four). Il faut laisser ce gâteau développer tous ses arômes à la température ambiante, avant de le déguster.
La patate douce se retrouve aussi dans des gâteaux salés, agrémentés de feuilles de morelle (zôm) ou des feuilles de taro. La patate douce pelée, lavée, râpée, et débarrassée de son eau, est travaillée avec du sel, du piment, les feuilles choisies finement ciselées et l’huile de palme brute. La pâte obtenue sera moulée dans des paquets en feuilles de bananiers qui sont mis à cuire, couverts d’eau dans une marmite’’.
La patate douce peut aussi être pilée avec des haricots, elle sera différente de la patate douce vapeur qui accompagne le ragoût de haricots rouges et qui est gentiment déconseillée par la sagesse populaire. Se cuisinant comme le « pilé de pommes de terre/haricots », il en est la variante sucrée.
La patate douce râpée, façon tenue militaire, avec feuilles de macabo ou de taro, qui nous vient du Haut-Nkam, qui est salée et pimentée, est aussi une délicieuse recette qui vient récompenser la cuisinière pour son effort musculaire, en effet il faut jouer des muscles pour râper les patates douces.
Les camerounais n’hésitent pas à proposer des recettes originales comme la bouillie de patate douce enrichie au lait. Confectionnée avec de la farine de patate douce, cette bouillie est onctueuse et délicatement parfumée.
Patates douces aux aubergines, à l’huile de palme et au sel, etc, les recettes sont aussi variées que succulentes.
Tout ce qu’on peut regretter c’est que la patate douce est encore rare dans les restaurants, elle n’y est admise que cuite à la vapeur. Les différentes recettes salées-sucrées-pimentés ne sortent pas de la restauration familiale ou locale, de sorte que le grand public est ignorant du grand nombre de recettes originales.
C’est que la patate douce a encore mauvaise presse chez les personnes peu informées de ses bienfaits.
Elle est sucrée, alors ils l’accusent de provoquer le diabète. Ils ne savent pas que les médecins disent que la patate douce stabilise le taux de glycémie en diminuant la résistance à l’insuline grâce à ses sucres naturels et aux fibres qu’elle contient.
Parce qu’elle est sucrée, elle n’est bonne que pour les femmes et les enfants, mais pas pour les hommes. On la soupçonne même de provoquer, comme d’autres aliments sucrés, l’infécondité chez les hommes.
Parce qu’elle est sucrée, la patate douce pourrait favoriser la prolifération des vers intestinaux chez les enfants.
Consommer des aliments sucrés tels que la patate douce pourrait exposer au paludisme. On sait qu’il faut que le moustique femelle entre en jeu pour transmettre le paludisme, mais certains pensent quand même que la patate douce et certains aliments sucrés pourraient réveiller le paludisme.
Les feuilles de patate douce ne sont bonnes que pour les animaux. Et encore… Pourtant, les feuilles de patate douce sont riches en nutriments et en composés énergétiques, y compris les glucides complexes, les protéines, les acides aminés, les fibres alimentaires solubles et insolubles, les acides gras oméga-3, les vitamines (vitamine A, acide folique, vitamine C) et les sels minéraux (calcium, magnésium, phosphore), les antioxydants, et d’autres composés bioactifs.
Ceux qui savent, la dégustent sans demander leur reste. Ils inventent aussi de nouvelles recettes qui sont un plaidoyer délicieux pour la patate douce.
Ceux qui ne savent pas encore gagneraient à être informés, parce que le bonheur de manger de belles patates douces doit être partagé par le plus grand nombre.
