
Si on s’en tenait à leur couleur, on se tiendrait loin de ces deux plats. Pourtant, en bouche, ils offrent une inoubliable explosion de saveurs.
Le curry japonais arbore différentes teintes qui vont du miel foncé au marron intense et mordoré.
Le mbongo est reconnaissable à sa tenue couleur ébène, plus il est noir, mieux c’est.

LE CURRY JAPONAIS: somptueux et savoureux
Introduit au Japon, à l’ère Meïji (1869-1913) par la Compagnie anglaise des Indes orientales, le karē (カレー), parfois appelé karī (カリー) est aujourd’hui l’un des plats les plus populaires au Japon. Pourtant, il vient de loin, la Marine impériale japonaise a adopté le curry de la Royal Navy, et ce plat occidental est devenu un des fleurons de la gastronomie japonaise.
Servi avec du riz c’est le karēraisu (カレーライス), avec des nouilles épaisses c’est le karē udon, avec du pain fourré c’est le karē-pan.
Plus épais et avec un goût plus doux et moins épicé que son équivalent indien, le curry japonais met en exergue l’umami: la cinquième saveur de base après le salé, le sucré, l’amer et l’acide.
L’umami (うま味?), c’est le goût « savoureux », celui qu’un bébé expérimente avec sa première tétée de lait maternel. L’umami est un goût souvent décrit comme un délice charnu et savoureux qui approfondit la saveur. Il crée les conditions qui amplifient les délices, les bonnes saveurs. Toutes les saveurs sont équilibrées, en fusion-reconstruction, pour un résultat enchanteur pour le palais.
Le curry japonais, devenu populaire, est disponible dans les supermarchés et restaurants depuis la fin des années 1960. Il est même vendu sous forme de poudre, à laquelle il suffit d’ajouter de l’eau pour avoir une sauce savoureuse.
Les légumes de base du curry japonais sont les oignons, les carottes et les pommes de terre, des légumes souvent macérés dans la sauce soja. On ajoute parfois des pommes ou du miel pour un goût plus sucré. Le porc, le bœuf et le poulet sont les viandes les plus choisies. À Tokyo, on choisira le porc tandis qu’à Osaka, c’est le bœuf qui sera le plus utilisé.
La boisson de choix qui accompagne le curry est l’eau, son goût neutre rend impossible toute interférence avec les multiples épices du curry. Les autres boissons donnent un goût désastreux une fois associées au goût fort du curry.
Le curry japonais est riche en curcumine, un composant actif du curcuma, connu pour ses propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes. En effet, la curcumine, grâce à son pouvoir anticoagulant, aurait la particularité de fluidifier le sang, mais aussi, d’avoir une action vasodilatatrice sur les artères, empêchant ainsi une hypertension artérielle.

LE MBONGO: noir comme un délice.
« Sois noire et laisse-toi savourer », c’est l’ordre qu’on aimerait intimer à toute sauce de Mbongo, après y avoir goûté.
Le mbongo est une identité remarquable de la cuisine traditionnelle camerounaise, il est noir et bouleverse les sens, exactement comme une fille Bassa’a, expertes dans l’art de remuer les cœurs et de subjuguer les palais avec des recettes de mbongo qui se transmettent de génération en génération. Les Bassa’a, c’est le mbongo, une sauce fort en goût et au caractère affirmé, exactement comme si des ancêtres Bassa’a s’étaient réincarnés en sauce, pour gouverner les appétits des vivants. Quand la sauce mbongo est accompagnée de poisson (machoiron, maquereau, carpe, anguille, silure), nous avons le mbongo tchobi (tchobi pour le poisson, mais il est fréquent qu’on appelle mbongo tchobi des mbongos de viande, mbongo tchobi est devenu un terme générique, un nom commun de tous les mbongos.
Le mbongo, (afromomum citratum), qu’on appelle aussi poivre de Guinée ou « maniguette juteuse », mbongo mwel Bassa’a, ou mvonlo en Ewondo, est une plantes à fleurs de la famille des Zingibéracées (comme le curcuma, le gingembre, la cardamome), dont les gousses séchées seront noircies par le feu et réduites en poudre. Une poudre noire à laquelle seront ajoutées des épices du terroir: hiomi (non brulé), messep (basilic sauvage), gingembre, rondelle (abre à ail), noix de pèbè, djansang (graines de ricinodendron), éssèssè (épices 4 cotés), maniguette piquante (afromomum melegueta), poivre noir de Penja, pour constituer ce qu’on va appeler « la poudre de mbongo « .
L’huile de palme plus que l’huile d’arachide, active la saveur umami du mbongo. Il rejoint son homologue le curry japonais dans la somptuosité de la saveur en bouche. Le piment savamment dosé vient parfaire un délice qui fait saliver de plaisir avant et même après le repas.

Le mbongo doit être servi chaud, avec du riz, des tubercules de manioc frais, des mintoumbas ( manioc fermenté cuit avec un filet d’huile de palme), de la banane plantain bouillie ou frite, du macabo ou du foutou.
Le mystère n’est pas seulement dans sa couleur, mais dans le goût du mbongo, les deux, couleur et saveur, font un plat unique qui n’a pas fini de ravir les gourmets.
Les épices qui donnent au mbongo sa saveur lui donnent aussi une valeur nutritive non négligeable. Le mbongo lui-même est réputé avoir des vertus aphrodisiaques. Il serait également propice à la digestion, il aurait la capacité de soulager des migraines. Ce serait aussi un antidote puissant contre les piqures de serpent. Les maniguettes comme le mbongo sont des remèdes connus de la pharmacopée traditionnelle, qui servent en cas de déprime et d’anxiété. Il s’agit également de puissants antibactériens, antimicrobiens, anti-inflammatoires et antiparasitaires.
Le mbongo est là pour faire du bien. C’est du bonheur en sauce dont aucun camerounais ne se prive.

Béatrice Mendo, écrivain – haïkiste, présidente de l’association Yujo-acajapon.