KUCHISABISHI ou l’Art de manger sans faim

KUCHISABISHII
C’est un adjectif qui définit une façon de manger spéciale qui consiste à remplir sa bouche de nourriture, non parce qu’on a faim, mais parce qu’il faut que la bouche ne se sente pas esseulée. Bouche pleine ignore les affres de la solitude. Manger kuchisabishii, c’est venir à la rescousse de sa bouche solitaire en la remplissant sans y penser, comme ça, machinalement. C’est manger sans faim et peut-être sans joie.

Ce mot typiquement japonais signifie littéralement « bouche solitaire » ou  » désir d’avoir ou de mettre quelque chose dans sa bouche ».

Manger quand on s’ennuie et parce qu’on s’ennuie est une chose propre aux humains qui, à la différence des animaux, s’accommodent de l’inutilité. Les animaux font ce qui est nécessaire, ce qui doit être fait pour que la vie se perpétue. Les humains s’encombrent et parfois s’accrochent à des choses qui sont loin d’être nécessaires à leur vie.

Quand la bouche est vide, manger kuchisabishii permet de la remplir de nourriture, plutôt que de bonnes paroles, heureusement, cette façon d’occuper sa bouche permet aussi de limiter le nombre de propos incongrus qui pourraient en sortir.
Manger kuchisabishii est-il l’apanage de pays qui ont atteint une certaine autosuffisance alimentaire ? Il n’est pas facile d’y répondre, mais on peut constater que quand il y a trop peu à manger, il n’y a personne pour manger par ennui.
Le stress aussi pousse certains à manger sans avoir faim, le stress est la maladie du monde entier, ce qui permet d’envisager que n’importe quel hère, du Tiers-Monde ou du Monde suspendu sur les autres mondes, peut manger sans faim, pour apprivoiser l’angoisse qui lui tient les tripes.
Il y a une invention importante qui vient soutenir tous ceux qui mangent kuchisabishii : le chewing-gum. Combien de chewing-gums mâchés sans faim aucune? Pour se donner de la contenance, pour occuper sa bouche parce que réfléchir est douloureux?
Quand le chewing-gum n’arrive pas à bout de l’ennui, voici venues les bouchées inutiles mais nécessaires pour passer le temps.
Manger par ennui, tout le monde dira dans les rues de Yaoundé que c’est une affaire de riche. La chose qu’on fait le plus par ennui, après le motif de malveillance, c’est le commérage, le fameux kongossa. On kongosse volontiers kuchisabishii, parce que la bouche est ouverte et parce qu’il y a toujours quelqu’un à détester et à jalouser. Hélas, le kongossa ne rassasie personne, il peut même causer un état de stress qui va pousser la commère à manger kuchisabishii.
Que faire ? Rester zen.

Béatrice MENDO

2 Comments on “KUCHISABISHI ou l’Art de manger sans faim”

  1. En cette période de fin d’année 2025, il est véritablement recommandé de rester zen. En effet, les occasions ont manqué dans beaucoup de domaines : les avantages stoppés net alors que notre tour arrivait, les résolutions machinalement prises avec effets douteux, de nouvelles lois qui font presque aboyer, les prix qui flambent, la qualité qui se perd, la quantité qui est frelaté, des balivernes à n’en plus finir. C’est dans cet univers sombre et glauque que prolifèrent les adeptes du KUCHISABICHII qui eux, mangent pour pas que la bouche soit seule ( elle pourrait trop en dire ? ). Mange et tais toi ! A toutes les sauces, la propagande et les invectives aussi concourent à occuper cet organe qui peut détruire ou construire. Sa force est telle qu’elle peut détruire son propriétaire même seulement en choisissant mal ses aliments et boissons et pour une note plus vivante, la bouche quand elle suce et lèche partout, en tous lieux et en tout temps, mangera toujours ( et si d’aventure on les attrape pour tromperie, ) le KINTSUGI aidera pour que vive à jamais KUCHISABUSHII.

    1. Imaginez que ceux qui se gavent du « gâteau national » commencent à manger kuchisabishii ? Il ne restera rien pour nous autres. Tiens, c’est déjà fait? Il ne reste que des miettes pour le peuple ? Et même les miettes, ils font encore kuchisabishii sur elles? Beh voilà, pour faire kuchisabishii, il faut déjà voir la nourriture passer sous son nez, puis être assez rassasié pour manger sans faim.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *