LA MAGIE DES SOMMETS

Les sommets ont toujours fasciné les hommes. Pour y arriver, on grimpe, on monte. On s’élève, au propre comme au figuré, en pensée et en action, parce que atteindre un sommet devient un défi à la fois physique et spirituel. Certains sommets sont dotés d’une véritable aura, ceux qui arrivent à les vaincre sont de véritables héros. Ils cristallisent l’âme fière du peuple qui est dressée vers les cieux, vers les dieux. Au Japon comme au Cameroun, nous allons découvrir deux sommets aussi typiques que mythiques, le Mont Fuji et le Mont Cameroun « le char des dieux »

LE MONT FUJI
On le connaît aussi sous le nom de Fuji-san (富士山). Certains l’appellent à tort le « Fujiyama », ce qui est un pléonasme, parce que yama signifie déjà « montagne ». C’est le plus haut sommet du Japon. Il culmine fièrement à 3 776,24 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il trône au centre du pays, qui se trouve sur la côte sud de l’île de Honshū, au sud-ouest de l’agglomération de Tokyo. C’est aussi un stratovolcan (constitué de plusieurs couches (strates) de larve durcie et de téphras), reconnaissable par sa forme conique et son profile escarpé. Le Vésuve en Italie, la montagne Pelée en Martinique et le Krakatoa en Indonésie sont des stratovolcans. Le mont Fuji est toujours considéré comme actif, sa dernière éruption certaine s’est produite fin 1707, toutefois le risque éruptif est aujourd’hui considéré comme faible.
Le mont Fuji est bordé au nord par les cinq lacs, situés dans la préfecture de Yamanashi au Japon, qui forment un arc. On les appelle les Fujigoko (富士五湖), les cinq lacs Fuji: le lac Motosu, le lac Shōji, le lac Sai, le lac Kawaguchi et le lac Yamanaka.

Le mont Fuji est le siège d’une intense activité sportive. Les parapentistes décollent de la ville de Gotenba et atterrissent sur le pic Hōei-zan, sur le versant sud de la montagne. La course du mont Fuji (富士登山競走, Fuji tozan kyōsō), créée en 1948, est une course de montagne qui relie la ville de Fujiyoshida au sommet du volcan en suivant l’itinéraire Yoshida, en passant par le sanctuaire Kitaguchi-hongū Fuji Sengen. Il y a également un circuit automobile au pied du mont Fuji: le Fuji Speedway, qui devient la propriété de Toyota en 2007.
Le mont Fuji est inscrit sur la liste des biens culturels du patrimoine mondial de l’Unesco, en 2013, sous le titre de « lieu sacré et source d’inspiration artistique ».

Le mont Fuji est le site privilégié d’intenses activités orientées vers la spiritualité. Il est considéré comme un lieu qui dégage une énergie spirituelle et une pureté resplendissantes. L’ascension de cette montagne est donc souvent considérée comme une forme d’exercice spirituel. On prend de la hauteur en même temps qu’on vit une expérience spirituelle saisissante, qui accroît notre lucidité et discernement, en même temps qu’elle nous prépare à recevoir la bénédiction des esprits bienveillants qui nous entourent. Dans le shintoïsme, cette religion japonaise basée sur la vénération des dieux et des esprits, en syncrétisme avec la nature, l’accent est mis sur la signification spirituelle de phénomènes naturels tels que les montagnes, les rivières, les arbres et les pierres, mais aussi sur le culte des ancêtres et les rituels.
La vénération de la montagne sacrée, désignée par le terme de Fuji shinkō (富士信仰, Foi en Fuji), repose sur une longue histoire dans le shintoïsme. Depuis des siècles, cette montagne est considérée comme sacrée. C’est un lieu où l’on vénère les dieux et les esprits.

Dès l’an 27 av. J.-C., une déesse du nom d’Asama no ōkami (浅間大神) était dédiée à cette montagne, où un sanctuaire lui avait été érigé. Afin de vénérer les nombreuses divinités des différentes religions, plusieurs sanctuaires, tels que le Fujisan Hongū Sengen-taisha et les sanctuaires Asama, ont été bâtis sur ou aux pieds du mont Fuji et de nombreux torii (鳥居), portails traditionnels japonais, généralement érigé à l’entrée d’un sanctuaire shintoïste, jalonnent le parcours afin de marquer les limites de l’enceinte sacrée.
« Le mont Fuji est un lieu sacré qui touche l’âme humaine par sa beauté sublime. »
Ce qui explique pourquoi les artistes n’en finissent pas de s’émerveiller de la beauté fascinante du mont Fuji, qui leur inspire en retour de magnifiques œuvres. Les représentations du mont Fuji les plus remarquables et célèbres sont les estampes des Trente-six Vues du mont Fuji réalisées par Katsushika Hokusai dans les années 1830. La superbe Grande Vague de Kanagawa en est l’un des exemples les plus reconnus dans le monde. Les artistes continuent d’immortaliser la fière montagne en photographies, dessins ou peintures, comme le célèbre dessinateur Utagawa Hiroshige.

L’ascension du mont Fuji est un véritable challenge. La montée peut prendre 6 à 8 heures et la descente 3 ou 4 heures, avec des températures frôlant les 0°C. Il est possible de rejoindre le mont Fuji en bus depuis le centre de Tokyo, le trajet dure 2 h 30 et s’achève à la cinquième station, depuis laquelle on peut randonner vers le sommet. Ceux qui choisissent de mettre leurs mollets à l’épreuve peuvent emprunter quatre routes principales : celle de Yoshida, réputée comme la plus simple d’accès, celle de Gotemba, l’itinéraire le plus dur, et celles de Subashiri et de Fujinomiya.
Je vous souhaite une belle ascension.

MONT CAMEROUN

Baptisé le « char des dieux « , parce qu’un jour lointain, il aurait craché le feu devant un navigateur carthaginois, appelé Hannon, qui, impressionné par cette force de la nature, lui aurait laissé ce nom évocateur. Le mont Cameroun, ou le mont Fako (Fako c’est la savane en Bakweri, la langue en même temps que le nom de la tribu qui habite les pentes du mont), s’étire en commençant par la forêt primaire, suivie d’une savane arbustive, puis d’un paysage désertique aux allures lunaires quand on se rapproche du sommet. Il culmine à 4 090 m, est situé à Buéa, chef-lieu du département du Fako, il est bordé par la mer, au fond du golfe de Guinée, où il fait face à l’île de Bioko, située en Guinée Équatoriale. Il est le deuxième plus haut sommet du continent africain après le Kilimandjaro.

Les Bakweris, pensent que le mont Fako est la demeure de leurs dieux, notamment de Efasa Moto, qui veille, protège ou punit ceux qui se comportent mal en la traversant. Ils attribuent d’ailleurs les récentes éruptions à la conséquence de la mort de leur chef, Chief Monono Otto. La montagne peut héberger, nourrir et protéger, en même temps qu’elle peut se rebeller.
Le Fako Mountain est un volcan-bouclier. C’est-à-dire qu’à la différence du mont Fuji qui est un stratovolcan, sa forme de cône, plus ou moins plat, évoque un bouclier posé sur le sol. Pour être précis, c’est un volcan bouclier effusif de type hawaiien, c’est-à-dire caractérisé par des fontaines de lave et des coulées de lave. Le piton des Neiges, par exemple est un volcan bouclier et le point culminant de l’île de La Réunion et de l’archipel des Mascareignes. Le mont Fako est accompagné par l’Etinde (le petit mont Cameroun, situé près de Limbe, 1 713 m).

Les colères du mont Cameroun sont quasi cataclysmiques, et s’achèvent en coulées de laves dévastatrices. La dernière éruption remonte à 1999-2000. Une coulée de lave de 300 mètres de long a tout ravagé sur son passage, calcinant puis enterrant les palmeraies et plantations aux alentours, pour s’arrêter à quelques dizaines de mètres du Seme Beach Hotel de Limbé. L’impressionnante saignée noire et fumante était haute de plusieurs mètres.
L’ascension du mont Cameroun se fait par des sentiers de randonnée, avec l’aide de guides expérimentés, et des porteurs si nécessaire. La meilleure période pour l’entreprendre est notamment les mois de décembre, janvier et février.

Chaque année au mois de février, la ville de Buéa rentre en effervescence. Les athlètes les plus aguerris, venant du monde entier, se préparent à effectuer une épreuve des plus harassante, mais ô combien palpitante: La Course de l’Espoir. Encore appelée Mount Cameroon Race of Hope, elle consiste principalement en l’ascension du volcan.
L’épreuve, créée en 1973 est une course mixte qui regroupe des concurrents qui parcourent une distance approximative de 42 km, en passant par 03 refuges avant d’atteindre le sommet. Les coureurs peuvent encourir les rigueurs de l’extrême froid et du manque d’oxygène, au fur et à mesure qu’ils se rapprochent du sommet.
La Course de l’Espoir est une véritable institution, parce qu’elle permet de dévoiler au monde entier la majesté du mont Cameroun qui est véritable un joyau de la nature, qui permet de vivre une épreuve fantastique et qui fait rêver les randonneurs du monde entier.
Les meilleurs coureurs montent dans une vitesse incroyable pour une telle altitude, avec des pentes raides comme le dos du diable, mêlant dénivelés positifs et négatifs. Ainsi, le record de Timoty Lekunze Leku, en 1987: 3 h 46 min 34, n’a jamais été battu, une performance de titan. Actuellement, les meilleurs mettent environ 4 h 30 à faire l’aller et retour vers le stade de Molyko.

Depuis plus de 50 ans, 86% des gagnants de la Course de l’Espoir sont des camerounais. Pas plus 10 étrangers en sont sortis vainqueurs
L’érudit, polymathe, explorateur et écrivain britannique Richard Francis Burton est le premier européen à avoir réussi l’ascension de la montagne en 1861. L’exploratrice anglaise Mary Kingsley, une des premières femmes à avoir escaladé le mont, relate son expédition dans son récit de 1897 « Travels in West Africa ».
J’ai moi aussi vécu l’immense joie d’atteindre le sommet du mont Cameroun, en amateur, le 17 février 2024, après deux tentatives qui m’ont permis à chaque fois d’améliorer mes performances.

Un périple aussi magnifique que douloureux, qui connaît son apothéose au sommet du mythique Fako Mountain. Il y a la traversée de la forêt, les premières douleurs sont atténuées par la fraicheur de l’air qui sent bon la chlorophylle. La première escale à l’entrée du parc, « Mountain Cameroon National Park » est des plus salutaire. Un petit break au premier refuge, puis on sort de la forêt pour entreprendre la pente et la savane. Le vents froids commencent à se signaler. Le passage du refuge intermédiaire au deuxième refuge est des plus éprouvant, on chancelle, les muscles brûlent, on suffoque. On arrive au Fako Lodge hébété de fatigue. Le deuxième refuge est un havre de paix, avec les chalets accueillants du Fako Lodge, on peut se restaurer, dormir au chaud, pour aller à nouveau à l’assaut des cimes, dès 04 heures du matin. C’est une bonne idée de recommencer à grimper si tôt, la pénombre du petit matin vous évite d’être decouragés par la raideur de la pente qui se dresse devant vous, comme un intimidant dragon qu’il faut terrasser. Et la descente alors, épique, je l’ai faite en mode zombie exténué, mon corps, mon propre corps sur qui je peux compter quand le monde entier m’a lâchée, eh bien, ce corps, après m’avoir vaillamment portée jusqu’à sommet, ce corps m’a lâchée, à la fin, affolé par toutes ces souffrances que je lui ai imposées. Ça ne m’a pas empêchée de retrouver mes couleurs à la fin de cette épreuve, et de repenser, les yeux brillant de fierté, à l’exploit que je venais de réaliser.
Quand on l’a vaincu, on rentre aussi vaincu par la majesté du mont Cameroun.

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