LA GUERRE DU PIMENT N’AURA PAS LIEU

C’est un curieux petit fruit originaire d’Inde et d’Asie du Sud-Est, qu’on trouve aussi en abondance en Amérique latine, qui a conquis le monde, souvent en incandescence. Oui, le piment est un fruit, comme la tomate, il en est ainsi chez les solanacées. Chacun aime son piment à sa façon, parce qu’on peut tout faire, sauf manger son piment avec la bouche de quelqu’un d’autre.
Au Japon comme au Cameroun, le piment règne sur de nombreux plats. Il y en a qui disent que leur sauce sans piment c’est comme une rose sans parfum.

La délicieuse brûlure du piment a ses adeptes, il leur faut leur dose quotidienne comme à tous les drogués. Tout cela a accouché d’un joli verbe: pimenter. Pimenter sa vie, une histoire, etc, c’est donner de la saveur, ou la relever, soit avec des piments, soit en rendant les choses plus vivantes, plus intéressantes. Vade retro tout ce qui est fade. Ave piment! Morituri te salutant, ceux qui vont mourir pour toi te saluent la bouche en feu.

JAPON: le pays du piment succulent

Le Japon n’a pas échappé au piment, il y a été introduit vers le XVIème siècle. Aujourd’hui, même si les japonais ne comptent pas parmi les plus grands mangeurs de piment, le piment qu’ils appellent tôgarashi 唐辛子, a enraciné son influence sur la gastronomie locale. C’est un ingrédient essentiel qui est utilisé de nombreuses façons, notamment pour relever la saveur des plats, pour décorer les plats, ou comme ingrédient dans des sauces et des mélanges d’épices.
Il existe ce qu’on pourrait appeler le « piment japonais », parce qu’il est typique dans sa nature (il ressemble à des doigts effilés ) et dans les compositions qu’il permet. Le piment japonais englobe plusieurs identités épicées remarquables, qui vont du piment le plus fort, le Takanotsume au Shishito plus doux.
Le takanotsume est un piment rouge très fort qu’on consomme séché. Aussi appelé « griffe de faucon », il un niveau de piquant qui se situe sur l’échelle de Scoville entre le degré 5 à 8, sur 12 degrés. Il est considéré comme fort, mais moins piquant que des piments comme le habanero qui est très populaire africaine.

Le piment :griffe d’aigle blanc » (aussi appelé « piment Takanotsume griffe de faucon »), connu pour sa forme unique en forme de griffe est une petite merveille ultra rare et extrêmement piquante. Cette variété ancienne produit des centaines de fruits blanc ivoire de 5 à 8 cm de long. Les piments deviennent rouges lorsqu’ils mûrissent Il est parfait pour la cuisine, les sauces, les salsas, les sandwichs et les pizzas.

Le piment shishito qui est doux, est souvent utilisé comme légume, il peut être grillé ou frit comme les courgettes et aubergines façon tempura. Shishito signifie « tête de lion », en référence à la partie inférieure du piment. C’est un piment vert, légèrement épicé, aux saveurs fermes et savoureuses.
Il faut aussi citer le piment Yatsufusa, également connu sous le nom de «piments Japones» qui est assez populaire. Le Fushimi quant à lui est un piment doux à paroi fine, connu pour sa saveur douce et sa polyvalence en cuisine. Les piments japonais sont généralement longs et fins.

Au Japon, il existe plusieurs produits à base de piment, il se décline en pâte, en poudre, en fruits frais ou séchés.
Nous avons :
• Le Ichimi-tôgarashi, (一味唐辛子, une poudre de piment rouge séché.

  • Le shichimi-tôgarashi, 七味唐辛子, ce condiment a plus de quatre siècles d’histoire. Son nom signifie littéralement « piment aux sept saveurs » qui sont: le piment rouge (togarashi); des zestes de mandarine (mikan) ou d’orange ; des graines de sésame blanc et noir (kurogoma) ; des graines de pavot (keshi) ; des graines de chanvre (asanomi) ; des algues nori ou aonori (hoshinori) ; du poivre de sansho. En plus d’être un assaisonnement épicé, il sert aussi de conservateur. Il accompagne à merveille les plats japonais comme les udon ou les soba.
    La cuisine japonaise compte peu de plats épicés, mais l’ichimi-togarashi ajoute à la fois de la saveur et une touche visuelle agréable aux plats.
  • Le yuzu-koshô, (柚子胡椒, un mélange de piment et de zestes de yuzu.

CAMEROUN: sans piment c’est la soupe à la grimace

Une très forte tolérance au piment, voilà ce que pourrait conclure un observateur des mœurs gastronomiques des camerounais. C’est l’ingrédient qui donne un sens à tous les mets salés. Les personnes qui ne mangent pas le piment sont considérées comme des bêtes curieuse qui s’accommodent de bouchées fades. Hormis les variétés sauvages, les piments qui règnent au Cameroun sont arrivés d’Amérique latine avec les portugais, puis les colons allemands, anglais et français.


Le piment prisé au Cameroun est un habanero, qui est rouge et qu’on appelle localement Tyson, il est apprécié pour son piquant extrême. Il y a une déclinaison savoureuse comme le piment habanero Goana, de couleur orange et à la saveur aromatique et fruitée. À côté, on retrouve des Scotch Bonnet (plus parfumé et aromatique que le habanero, mais avec le même degré de piquant), le piment-oiseau: cultivé dans la région de l’extrême-Nord du Cameroun, dans le département du Mayo-Kani. Le Piment Safi, très fort et très aromatique nous vient du Maroc, il est adapté au séchage et peut être moulu. Le piment Big sun, très parfumé et de gros calibre. Le piment Bombardier, le Salmon, le piment jaune du Burkina, le Cayenne Rouge, etc.

Qu’il soit dans la cuisine ou dans la calebasse du guérisseur, le piment fait valoir son utilité sur la santé. Il tient une place importante dans la pharmacopée traditionnelle.
Cependant, mes souvenirs d’enfance sont hantés par une vision tenace d’horreur et de douleur. La poire à purger de mon arrière-grand-mère, remplie d’une mixture à base de piment-oiseau, qui était destinée à « laver mon ventre », à renforcer mon immunité tout en accélérant mon métabolisme. Souvenirs déchirants de mes petites fesses en feu, après une purge énergique pour laquelle on avait dû m’immobiliser d’une manière aussi douloureuse qu’humiliante, c’est-à-dire en creusant mon dos pour que j’offre mon petit postérieur au passage cuisant de la poire à purger remplie de piments-oiseau écrasé avec d’autres ingrédients. Dans l’arrière-pays, on purge encore certains enfants de cette façon, la brûlure du piment n’a pas fini de terroriser les petits derrières.

Le piment fait pleurer les petits et les grands. Seulement, les grands en redemandent. Ils en pleurent, en bavent, transpirent abondamment, se mouchent bruyamment, sans arrêter d’affronter maître-piment. Certains sont vraiment ennuyés à l’occasion d’un repas sans piment, « ça ne passe pas », « c’est trop fade », « une sauce gombo sans piment? C’est quoi? Un remède ? ». Il y en a qui se baladent avec leur petite fiole de piment, au cas ou. On leur reproche de tout noyer dans le piment, au point de ne plus connaître le vrai goût des aliments, mais seulement celui du piment, ils n’en ont cure. Le seul goût qui en vaut la peine est celui du piment, et c’est ce même piment qui campe en « arrangeur » de toutes les autres saveur.
Le piment trône fièrement dans une « trinité » devant laquelle les camerounais se prosternent: poisson braisé – piment – bière. Si on enlève le piment, on contraint la trinité à frôler l’apocalypse du bon goût.

En pâte, en poudre, frais, séché, surgelé, en macérât huileux, le piment est comme le Coca-Cola, on sait qu’il est là, qu’il a déjà fatigué ses concurrents (cube Maggi et autres), mais on fait quand même sa publicité.
Même quand il fait mal au ventre, il soigne quand même encore quelque chose quelque part, après avoir permis à un mangeur de se régaler.
La force du piment a des limites, que les mangeurs révèlent en riant  » quelle que soit la force du piment, l’œil du poisson reste ouvert, dans le pépé soup, le bouillon de piment ».

D’abord médicament dans la forêt amazonienne, le piment a investi les tables indigènes, il a ensuite séduit quelques explorateurs comme Christophe Colomb qui le ramène en Espagne. Aujourd’hui, il ne laisse pas les papilles gustatives indifférentes dans au moins 80 pays du monde.
Ses ressources sont bénéfiques:
Les piments forts sont des stimulateurs d’appétit, ils provoquent une forte salivation, participent à la digestion et jouent les laxatifs. Ils sont bénéfiques pour la circulation sanguine, luttent contre l’indigestion et les ballonnements, aident à soulager les tensions et les douleurs musculaires, ont des propriétés antibactériennes. Pour finir, les piments contiennent plus de vitamines A que n’importe quel autre fruit ou légume et sont une source importante de vitamine C, de magnésium et de fer. Le conseil diététique oriente les mangeurs de piment et autres sympathisant vers une consommation maîtrisée, qui évite les brûlures d’estomac, les ulcères, les diarrhées, les douleurs anales, les palpitations accompagnées d’hyperventilation.
On a compris pourquoi les piments sont indispensables dans la cuisine africaine, on a compris aussi pourquoi on doit les savourer avec précaution. Mangez des piments et souriez.

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