
Partie 1:
LE POU RARE DU JAPON NE DORT PAS SUR SES DEUX OREILLES
Partie 2:
LES POUX DU CAMEROUN: « TUE-LES MOI SI TU M’AIMES »:
Le pou a une belle place dans le patrimoine verminique de l’humanité. C’est que les petites bestioles ont l’instinct grégaire en plus d’une capacité de procréation optimale. Le pouvoir égalisateur du pou n’est plus à démontrer, en toute démocratie, il investit toutes les têtes de la même façon, riches et pauvres, jeunes et vieux, hommes et femmes, oiseaux et mammifères, tout le monde se gratte quand le pou s’est installé. Au Japon, le pou n’a pas épargné les samouraïs, il a été châtié de sa témérité. Au Cameroun, le pou qui a rassemblé nombre d’amoureux jadis est le parasite qui apporte désormais la honte. Lisons.

LE POU RARE DU JAPON NE DORT PAS SUR SES DEUX OREILLES:
Après la deuxième guerre mondiale, le Japon est entré en guerre contre les parasites qui fragilisaient la santé des populations. Les pou, qu’on appelle: shirami (虱/しらみ), n’ont pas échappé au processus d’éradication, et les jours des survivants sont comptés. les poux sont encore associés à une mauvaise hygiène de vie, alors même qu’ils semblent plus à l’aise dans des cheveux propres.
Les poux ont eu la belle vie jadis au Japon, au point que de braves samouraïs n’y ont pas échappé. Leur coiffure caractéristique, le chonmage, une coupe de cheveux avec un demi-cercle rasé au sommet de la tête, permettait une meilleure ventilation sous le casque des guerriers, mais aussi décourageait les poux qui n’avaient aucune prise sur la partie nue du crâne. En somme, le chonmage éloignait le risque d’infestation de poux et d’autres parasites.

Le pou des livres:
La littérature japonaise n’a pas hésité à se saisir du pou. Oui, il y a des références aux poux dans la littérature japonaise. Les poux sont présentés dans divers textes littéraires japonais à travers l’histoire, comme un symbole de la pauvreté, de maladie ou de manque d’hygiène. Ainsi, dans le roman « Le Dit du Genji » (Genji monogatari), écrit par Murasaki Shikibu au XIe siècle, il y a des descriptions de personnages qui ont des poux. Ce roman est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de la littérature japonaise classique.
Un autre exemple, la nouvelle « Shirami » de Akutagawa Ryūnosuke, (1892 – 1927). On y découvre Mori, sauvé par des poux qu’il a recueillis dans des tasses, qu’il a déposés délicatement sur son corps, qui en grouillant frénétiquement l’obligent à se gratter, ce qui produit une chaleur bienfaisante et réparatrice. Il se battra en duel avec un importun qui a mangé tous ses poux bénéfiques. Nombre de textes de cet auteur intéressé par les insectes figurent dans les manuels scolaires, à l’instar du « Fil d’araignée ». Le prix Akutagawa a été créé en 1935, c’est pratiquement le Goncourt japonais, il récompense un auteur jeune mais déjà accompli.
Les poux sont également représentés dans les ukiyo-e, des estampes sur bois qui datent de l’époque d’Edo (1603-1868). Ces représentations montrent souvent les poux comme des créatures nuisibles qui infestent les humains.
Le folklore japonais regorge de contes et de fables dans lesquels ont peut retrouver des poux.
La collection de recueils de contes « Mukashi mukashi », (Il était une fois, en japonais), propose de découvrir des histoires très populaires au Japon. Dans le recueil 1, histoire 2, on peut lire : « Le mariage venteux », où une jeune femme se marie, mais elle a un terrible secret qu’elle veut cacher … son pou.
Il y a enfin, Akaname, un yokai, c’est-à-dire une créature surnaturelle, comme il y en a beaucoup dans la culture du Japon friande de légendes. Akaname, comme son nom l’indique est un « lèche crasse ». Plutôt inoffensif, il n’apparaît que dans les salles de bain et les toilettes mal entretenues et sales. Akaname est très timide et fuit la lumière. C’est pour cela qu’il apparaît plutôt la nuit. Pour se nourrir, il lèche la crasse qu’il trouve dans les maisons, particulièrement dans les pièces d’eau. Il mange des cafards, des rats, des poux et toutes sortes de parasites. Il mange aussi la boue, les moisissures, l’écume, les cheveux et les déchets humains. En raison de ce régime alimentaire, ce yokai propage les maladies. Il incite donc les habitants à entretenir leur maison et leur corps. Le régime d’Akaname est désormais pauvre en poux, parce qu’ils sont rares.

Le pou du musée :
Pour ceux qui veulent vraiment connaître l’histoire des poux du Japon, il y a à Tokyo, le musée parasitologique de Meguro, où ils peuvent observer une représentation en cire de deux poux, dont l’un est velu.
Le musée parasitologique de Meguro est une curiosité mondiale. Ouvert depuis 1953, le musée, doublé d’un centre de recherche spécialisé dans la taxonomie des parasites au Japon, possède une collection de quelque 45 000 parasites, dont 300 spécimens sont exposés au public. Le musée parasitologique de Meguro affirme être le seul musée de ce type au monde, un musée dédié aux insectes, parasites et autres créatures qui vivent de manière dépendante dans ou sur d’autres organismes, y compris les humains. De nombreux chapitres y sont consacrés aux ténias, aux suceurs de sang et autres organismes qui se nourrissent de leurs hôtes.
Les poux, présentés en 3D vivent leurs moments de gloire posthume dans ce musée. Leur nuisance légendaire ainsi que les maladies induites par leur présence délétère: typhus, pédiculose, fièvre des tranchées et fièvre récurrente, sont largement expliquées.
Les japonais traitent les poux avec un shampoing médicamenteux en vente libre : le « Sumisurin ». Certains choisissent d’éliminer les poux et les lentes à la main, en utilisant un peigne à dents fines et très serrées, qu’on passe sur les cheveux mouillés. Le peignage permet un raclage des poux et des lentes, qui peuvent alors être exterminés hors tête.
Il faut rappeler, pour conclure, que le Japon est un leader dans l’éradication des maladies parasitaires. Il détient une expérience et une expertise bien entretenue par des centres de recherche performant.

LES POUX DU CAMEROUN: « TUE-LES MOI SI TU M’AIMES »:
Certaines histoires d’amour ont des histoires de poux dedans. Il fût une époque où un partenaire qui avait la tête infestée de poux était loin d’être dégoûtant, au contraire. Les séances d’épouillage étaient autant d’occasions romantiques de resserrer le lien amoureux.
En effet, il était courant de voir un jeune homme alangui, la tête reposant sur les cuisses de sa bien-aimée, qui farfouillait avec application dans les cheveux touffus et ébourriffés de l’homme de sa vie, pour le débarrasser de ses poux. Le jeune somnolait, bercé par les nombreuses pressions exercées sur son cuir chevelu par le broyage des poux. Un massage du crâne, délicieux et relaxant. Débarrasser quelqu’un de ses poux était une preuve d’intérêt et d’attention. « Se chercher les poux » était tout sauf conflictuel, au contraire, « tue-les moi, si tu m’aimes » étaient le leitmotiv de ces séances d’épouillage. Ça pouvait être un agréable moment de tendresse, où, calme et confiant, on confiait sa tête à des mains secourables, bienveillantes et prévenantes. C’était aussi l’occasion de se retrouver dans la cour, de papoter en faisant œuvre utile.
Il y avait dans les familles des spécialistes, de véritables « terreurs des poux », qui, à longueur de journée cherchaient des têtes à épouiller. Le regard acéré et la main leste, elles étaient impitoyables, lentes et poux étaient massacrés dans un concert de « kreek, kreeek, kretek, kriiik ». Un bruit qui faisait presque saliver les bourreaux des poux.
Certaines tuaient aussi les poux en silence, avec une curieuse méthode qui était de broyer le petit insecte avec leurs dents. Elles positionnaient le pou entre deux incisives, puis le broyaient, recrachaient la carcasse de l’insecte avec dédain, tout juste pour laisser la place au prochain pou. Peut-être est-ce parce que le pou avait la réputation d’être salé? Cette étrange méthode n’a connu jusqu’ici aucune explication probante.

Au-delà de la question sanitaire, le pou pouvait donc se retrouver au cœur des interactions sociales. Les poux étaient tellement répandus, qu’on n’avait pas le temps d’en avoir honte. Du prêtre (qui avait des poux qui se baladaient gaillardement sur sa soutane), à l’instituteur (qui cachait mal des poux baladeurs dans sa cravate), il n’était pas rare de voir des poux respectables sur des personnes respectables. Évidemment, les enfants en avaient plus que tout le monde, ils en ramenaient de l’école, les emportaient partout avec eux, habits et literies en étaient infestés. Un véritable casse-tête pour les mamans qui ne savaient plus quelle recette appliquer pour se débarrasser des poux. Tout y était passé, le jus des feuilles de tabac fraîches, des boules de naphtaline réduites en poudre et mélangées à de l’huile, des pommades soufrées, camphrées ou mentholées, des insecticide corrosifs, du pétrole lampant, de la cendre, de l’huile de coco, de l’huile de neem, etc… Tout ça parce que les produits disponibles en pharmacie, souvent importés d’Europe, shampoing et sprays, semblaient n’avoir aucun effet sur les poux locaux, costauds, roublards et coriaces.
Il arrivait aux poux de cohabiter avec la teigne. La tête de la victime était alors parcourue de petits cratères purulents, des croûtes malodorantes qui ne décourageaient pas les poux.
La solution tenait souvent à un rasage total de la tête, qui permettait une meilleure application des remèdes, qui bouleversait aussi définitivement l’écosystème chevelu des poux, qui se retrouvaient dans la poubelle, jetés avec les cheveux.
À coup de rasages et d’éradications plus ou moins chimiques, la population de poux a dangereusement diminué. L’amélioration de la situation sanitaire des camerounais est venue leur porter le coup de grâce. Finies les énormes boules de cheveux « afros » sur les têtes, qui pouvaient héberger des centaines de poux. Les produits défrisants à la soude contribuent eux-aussi à décimer les poux.
Il y a effectivement de moins en moins de poux. Au point que beaucoup d’individus nés dans les années 2000 n’en ont jamais vu.
Devenu rare, le pou est désormais l’insecte dégoûtant qu’héberge toute personne qui trouve la saleté sympathique. Il n’est pas rare de voir un individu s’en aller, couvert de honte, après qu’une personne indiscrète et mal intentionnée lui a dit: « tiens, voilà ton pou, il se baladait sur le col de ta chemise, tue-le toi-même ».
On évite les poux, on ridiculise ceux qui en ont, c’est l’hallali pour les poux, ils sont une espèce en voie de disparition, malgré de timides réapparitions ça et là, qui n’affectent pas la tendance baissière. Les histoires d’amour semblent meilleures déparasitées, les idylles ne doivent plus rien aux poux qu’on écrasait pour protéger l’être aimé, même le plaisir que procurait l’épouillage s’avoue timidement, comme si on avait honte d’avoir profité des poux.

La relation entre les hommes et les parasites est gouvernée par un sentiment trouble qui mélange dégoût et fascination.
S’il sont très peu visibles au naturel, les poux sont les victimes sacrifiées de nombreuses vidéos qui ont leurs adeptes sur YouTube et Facebook. Ils sont broyés en direct, à même la tête ou sur un support où on les aura rassemblés. Ces vidéos que certains trouvent horribles sont addictives pour d’autres, qui les collectionnnent pour les regarder encore et encore. La raison en est que ces personnes, spectatrices de l’ultime débâcle des poux, se sentent soulagées une fois le poux écrasé, comme si c’était à elles-mêmes qu’on enlevait des poux. Cela pourrait être lié à plusieurs facteurs, tels que :
- Une fascination pour les détails ou les rituels de nettoyage.
- Un sentiment de connexion ou d’empathie avec les personnes qui sont traitées pour les poux
- Une forme de relaxation ou de distraction
Dans la plupart des cas, cette addiction aux vidéos de tueries de masse des poux, ne nécessite pas nécessairement de consulter un psychologue. Cependant, si ce comportement devient obsessif ou interfère avec la vie quotidienne, il pourrait être utile de discuter avec un professionnel de santé mentale pour explorer les raisons sous-jacentes de ce comportement et trouver des moyens de le gérer de manière saine.
Les réactions humaines aux stimuli visuels étant complexes et pouvant d’une personne à l’autre, si l’habitude de se délecter de ces vidéos ne cause pas de problèmes, il n’y a pas de raison de s’inquiéter.