
LE GO JAPONAIS: un excellent sport cérébral
Le go, ou le jeu de go, en japonais igo (囲碁), go (碁), est un jeu de société qui, sous sa forme actuelle, a vu le jour au XVe siècle au Japon. Toutefois, il s’agit du plus ancien jeu de stratégie combinatoire abstrait connu, qui trouve son origine en Chine. Il connaît aujourd’hui plusieurs variantes dans ses règles suivant les pays : règles japonaise, chinoise, française, néo-zélandaise, etc..
Si les règles du go peuvent paraître relativement simples, ce jeu recèle toutefois quelques difficultés pour le débutant, et il faut du temps, de la pratique et de l’expérience pour les maîtriser complètement.
Comme nombre de jeux de stratégie, le go oppose deux joueurs qui placent à tour de rôle des pierres, respectivement noires et blanches, sur les intersections d’un tablier quadrillé appelé goban en japonais. Le nigiri (握り) désigne, au go, le tirage au sort qui permet de désigner la personne qui pourra jouer le premier coup.
Quand il commence la partie, le joueur prend un nombre quelconque de pierres blanches dans une main. Son adversaire essaie de deviner s’il s’agit d’un nombre pair ou impair : il pose deux pierres noires s’il estime que ce nombre est pair, une seule si non. Noir commence en déposant une pierre de sa couleur sur une intersection du plateau. Puis, à tour de rôle, les joueurs posent une nouvelle pierre sur une intersection vide du goban. Au go (contrairement aux échecs), ce sont habituellement les noirs qui commencent.
Ainsi, les deux joueurs déposent alternativement des pierres sur les intersections de la grille ; elles ne bougent plus, mais peuvent éventuellement être capturées par encerclement. L’objectif est de répartir le plateau entre les deux joueurs en dessinant des territoires, chaque intersection contenue dans un territoire valant un point. Les pierres encerclées deviennent des « prisonniers ».
Les joueurs essaient de contrôler le plan de jeu en y construisant des « territoires » et en faisant des prisonniers.
Quand la partie se termine, le joueur qui totalise le plus de territoires et de prisonniers, et donc occupe la plus grande partie du goban a gagné. Les victoires s’obtiennent aux points (et non par échec et mat d’un des adversaires).
Un système de compensation, appelé komi ou komidashi en japonais (noté en katakana コミ ) a progressivement été introduit dans le go professionnel au Japon, pendant les années 1930. C’est une compensation en points accordée au joueur blanc pour contrebalancer le désavantage que représente le fait de jouer en second. De plus, sa valeur a évolué au cours des ans, et même actuellement, il n’est pas identique dans tous les pays : il s’élève à 6,5 points au Japon et en Corée, mais à 7,5 points en Chine et en France.
Lorsqu’un joueur estime que la partie est terminée, il passe son tour. La partie s’arrête lorsque les deux joueurs passent consécutivement leur tour. Le vainqueur est celui qui obtient le plus de points. Pour faciliter le décompte, les prisonniers sont placés dans le territoire de l’adversaire.

LE SONGO CAMEROUNAIS : une métaphore sociale qui parle le langage des mathématiques
Pratiqué dans l’aire culturelle pahouine (Fang – Bëti – Bulu) le Songo est un jeu de semailles, ce qui signifie que c’est un jeu où
l’on sème des cailloux, des fèves ou des coquillages dans les cases d’un plateau rectangulaire creusé de 14 trous. Il est aussi connu en Afrique de l’Ouest, notamment en Côte d’ivoire et au Niger où il est appelé Awalé ou Awelé (12 trous), pendant qu’au Benin il est appelé Adjito et jeu de six au Togo.
Ludique et éducatif, le songo permet de jouer en même temps qu’on emmagasine des lecons précieuses sur la vie et sur les relations humaines. C’est un jeu très exigent en terme de capacités stratégiques.
Le songo se joue à deux, comme la plupart des jeux de stratégie. Son plateau est divisé en 2 territoires qui délimitent les 02 camps. Chaque camp est constitué d’une rangée de 7 cases dont chacune contient 5 graines en début de partie. Les joueurs jouent de façon alternée et sont libres de déterminer celui qui commence la partie, notamment par tirage au sort.
La mécanique du jeu est très simple, elle consiste à ramasser toutes les graines d’une case de votre territoire, puis à les déposer une à une sans sauter de case, de la droite vers la gauche dans votre camp puis de la gauche vers la droite dans le camp adverse de sorte à décrire une boucle, jusqu’à ce que les graines s’épuisent. Puis c’est à l’autre joueur de répéter la mécanique.

Le songo permet aux deux quotients, intellectuel et émotionnel, de s’exprimer. Le quotient intellectuel entre en jeu dans les compétences mathématiques que requiert le jeu: le dénombrement, le calcul des probabilités, l’analyse combinatoire, l’anticipation après estimation, etc.
Le quotient émotionnel se révèle dans un jeu qui nécessite d’être en intelligence avec l’adversaire tout en lui appliquant des feintes et des parades. Il est courant de nourrir le jeu de l’adversaire, pour rendre la bataille encore plus intéressante.
Le bon joueur de songo est celui qui a la stratégie la plus efficace. La détermination de cette stratégie
gagnante par récurrence n’a pas manqué d’attirer l’attention des férus des mathématiques.
Le camerounais Serge Mbarga Owona, passionné et auteur de plusieurs publications sur ce jeu, a créé un logiciel de Songo qui permet à ce jeu d’avoir les mêmes arguments d’exploitation et d’accessibilité que le jeu d’échecs par exemple.
En outre, cet auteur prolifique est intarissable sur le Bidoua. Le Bidoua, c’est la stratégie maîtresse des joueurs de Songo. C’est un calcul auquel s’astreignent les joueurs, tout le long du jeu, qui révèle leur niveau de maîtrise stratégique appréciable dans le Songo.
C’est une stratégie qui, dit-il « permet de mener une évaluation rigoureuse de son potentiel de déplacement des graines pour tenir son adversaire par le nombre de coups gagnants. En d’autres termes, maintenir une liberté de circulation des graines supérieure à celle du camp adverse. »
Dans son livre « Le jeu de Songo », Serge Mbarga nous montre qu’il existe une formule mathématique du Bidoua, dans laquelle on retrouve une somme de Gauss, qui est la suivante: Bn(x) = -1/2 [n^2 + (1-2x)n – 2]

Après avoir constaté que le temps était une composante implicite du jeu, il arrive à la conclusion que le Bidoua est une stratégie qui révèle « l’art de mastiquer le temps « .
Parce que le Bidoua représente le déplacement des pions sur le plateau du jeu de Songo. Plus exactement, il représente le potentiel de déplacement des pions sur le plateau de ce jeu de stratégie.
L’excellent travail de Serge Mbarga Owona nous dévoile un songo qui est à la fois « chiffres et émotions ». Mathématiques et relations humaines sont imbriquées. Au cours de la partie, l’univers du jeu et la société se confondent. Les pions sont des individus, les cases sont des maisons. Il s’agit donc de déplacer les individus de maisons en maisons, de réunir ou de désagréger. L’union des maisons étant la fondation de la victoire, la consolidation du village. Il y a un enjeu de solidarité entre les maisons pour gagner la partie. C’est en cela que le songo est une véritable métaphore sociale.

Le jeu de go et le songo, en plus d’être d’excellents remue-méninges, sont des moyens ludiques de s’initier aux fondements des relations humaines. On se connaît mieux, on connaît mieux les autres, on adopte le type de comportement qui serait bénéfique à la société. On joue et on apprend. On ne joue pas seulement avec l’autre, on joue aussi pour lui.