TANOMU(頼む) : la requête qui va aboutir

Japon:
TANOMU: la requête qui va aboutir

Cameroun:
DEMANDA: la sollicitation qui tourne court

Demander (solliciter, poser une question) et recevoir (obtenir une réponse, susciter une action) ont des habillages différents selon les cultures, et ne se rejoignent que dans les sentiments qu’ils suscitent: gratitude, fierté, désespoir, anxiété, résignation, mais aussi espérance, confiance, etc.
Au Japon, le verbe tanomu (頼む) signifie adresser une requête, qui a de très grandes chances d’aboutir.
Au Cameroun, quand vous recevez un « demanda » après une question, ça signifie qu’une réponse claire vous est refusée, que vous n’obtiendrez pas la suite que vous espériez.

TANOMU: la requête qui va aboutir.
Adresser une requête en sachant qu’elle va aboutir, allège certainement le cœur du requérant, sans pour autant l’empêcher de soigner sa demande.
Ce verbe peut avoir plusieurs sens tels, demander, supplier, commander, compter sur, se fier à, faire appel à, réserver.
L’idée d’une requête, d’une sollicitation est claire, sauf que pour ce verbe japonais cette idée s’accompagne d’une certaine confiance en une suite favorable. On demande ce qu’on est en droit d’espérer et qu’on recevra certainement.
Tanomu est un verbe « gondan » c’est-à-dire avec 05 niveaux de conjugaisons, qui s’écrit ainsi dans les 03 alphabets japonais: kanji: 頼む, hiragana: たのむ, katakana: タノム. Le kanji 頼 contient les notions de “confiance” (shinrai 信頼) et de “demande” (irai 依頼). On utilise généralement ce verbe face à une personne que l’on juge fiable et capable de répondre à la requête. Ainsi, on s’attend à une réaction de l’autre, de nature favorable. Ce qui arrive par exemple quand on demande à quelqu’un de faire quelque chose: Kaimono wo tanomu (買い物を頼む), je compte sur toi pour faire/ranger/commander (en fonction de la situation) les courses. On fait sa requête parce qu’on compte sur le vis-à-vis pour la réaliser: « Yanomu kara ! », qui signifie « Je compte sur toi hein ! », je m’en remets à toi, je te confie cette chose. On peut aussi employer le verbe tanomu sans que l’objet soit explicite. C’est ainsi assez flou et bien pratique, pas besoin de s’embêter à expliquer,  » Ato wo tanomu (あとを頼む) », « Je compte sur toi pour la suite », qui est similaire dans ce contexte à « yoroshiku » qui signifie « je m’en remets à vous ».
Certains niveaux de conjugaison du verbe tanomu révèlent des actions qui accompagnent et contextualisent la requête. Ainsi, la requête peut aussi indiquer le résultat de la demande. Par exemple, « demander à faire garder ses enfants » qui devient “confier”, d’où la phrase « Kodomo wo tanonde fûfu de dekakeru (子供を頼んで夫婦で出かける) », confier ses enfants et sortir en couple. On comprend aisément que la requête a quasiment toutes les chances d’aboutir avec tanomu, on considère en tout cas dans ce contexte que c’est acquis.
Dans la forme polie « tanomimasu » qui signifie « je vous en supplie », le locuteur a l’occasion de souligner la gravité de sa requête .
« Tanomu yo » peut aussi s’utiliser entre amis pour des demandes pressantes, voire désespérées.

DEMANDA: la sollicitation qui tourne court.
Au Cameroun, le domaine de la question est aussi glissant que celui de la sauce gombo. Exactement comme si les questions étaient faites pour sonder les âmes, raison pour laquelle on n’y répond pas directement, pour embrouiller le sondeur d’âme.
Passés les habituels « tu demandes ça pourquoi ? », « pourquoi tu veux savoir? » et toutes autres questions plus ou moins originales qui permettent de répondre à une question par une autre question, on pourrait bien recevoir sur la figure un hiatus populaire, une réponse décalée, en décalage elle-même avec la logique et la politesse: « demanda ».

Demanda est l’apocope, la version abrégée de l’expression « demanda le porc au cochon », qui signifie que la question posée a été reléguée dans les joutes animalières, qu’elle est destinée à être roulée dans la boue et dans la bouse. Porc et cochon n’ont qu’à gérer cette interrogation malvenue. Le vis-à-vis auquel elle est adressée ne juge pas utile de répondre à une question qui ne peut que réunir deux animaux, gras et sales. Demanda est une impasse, aucune solution, aucun renseignement ne passe, pas même le bon sens. C’est une réponse qui a pour but de révéler soit l’incongruité de la question, soit la volonté manifeste du locuteur à frapper la question d’une fin de non-recevoir. Demanda peut être accompagné d’un « viens prendre dans ma bouche », qui signifie que la réponse est définitivement hors de portée. À la différence de « demanda » qui s’applique à n’importe quelle question, il existe des questions spécifiques qui rencontrent des réponses spécifiques, juste pour confirmer l’impasse, la voie sans issue. Il en est ainsi de « Qui a mis ça ici? » et de sa réponse « Kikiriki, le vieux coq de Mamadou », de  » tu vas faire quoi alors? » et de sa réponse  » Koita, le vin de palme ».

Il y a ainsi plusieurs façons de répondre pour montrer qu’on n’a pas du tout envie de répondre. Que, la question est bête. Que, la question est suspecte. Que, la question est coupable. Que, la question n’a qu’à mourir sur les lèvres de qui la pose. Que, celui qui veut la réponse est comme le Don Quichotte de Cervantès qui se bat contre des moulins à vent, un téméraire dont les victoires relèvent de la chimère. Que, la question mourra solitaire et pire, célibataire, sans jamais rencontrer la moindre réponse prête à l’accompagner dans ce monde perclus d’interrogations douloureuses.

C’est à ses risques et périls qu’on pose des questions. Avec un peu de malchance, on peut tomber sur quelqu’un qui n’a pas la réponse mais qui entreprend de le prouver dans une interminable réponse. Quelqu’un qui te fait douter de l’existence de Dieu parce qu’il traite ta question comme un diable sorti de l’enfer de ta bouche, sa réponse est de te maudire. Quelqu’un qui sait, mais qui est fier de ne pas répondre. Quelqu’un qui pose des questions parce qu’il voudrait comprendre la question. Quelqu’un qui vous ignore, ta question et toi. Quelqu’un qui t’attendait au tournant juste pour te renvoyer ta question à la figure. Quelqu’un enfin qui te donne la confirmation que Dieu existe parce qu’il te donne une réponse claire et concise. Une question peut déchaîner les enfers. Une question peut mener aux portes du paradis. Le camerounais est un point d’interrogation ambulant.

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