
De quoi ont peur les enfants?
Japon : Kappa et Namahage
Cameroun : ndjoundjou kalaba

Le croque-mitaine, comme un loup dans la bergerie:
Elle fait partie du patrimoine mondial de l’éducation : la peur du monstre. Aucun enfant de la terre n’a échappé à cette terreur réelle instiguée par un être imaginaire, toujours affreux et impitoyable, prompt à les punir quand ils ont désobéi ou pris des risques inconsidérés et courants pour leur jeune âge. Les parents du monde entier n’hésitent pas à utiliser une figure « garde-fou » à leur portée, pour calmer les ardeurs et espiègleries de leur progéniture. Il faut frapper le jeune esprit, encore enclin à ne pas écouter les conseils et avertissements des parents. Le jeune effronté doit savoir qu’en dehors des parents, il existe des créatures qui n’existent que pour sanctionner ses écarts de comportement. Les punitions encourues sont horribles, celui qui fait le turbulent peut finir dévoré vivant par une créature amie du diable, le garnement peut être cuit dans une grande marmite, emporté très loin hors la terre s’il le faut, des cornes et des poils peuvent pousser sur le corps du gamin vilain, etc. Toutes ces joyeusetés sont perpétrées par des êtres surnaturels féroces et impitoyables, les croque-mitaines.
D’après son étymologie, le croque-mitaine est un mangeur de mains, de vilaines mains d’enfants désobéissants. Ces auxiliaires de pédagogie s’appuient essentiellement sur la peur du monstre et des supplices que tout horrible créature vengeresse est susceptible d’infliger à l’enfant fautif. La figure du croque-mitaine est universelle, quoique son histoire et sa morphologie changent selon la culture et même selon les générations.

Japon: Kappa et Namahage sont sans pitié pour les effrontés
Le folklore japonais est très riche en créatures surnaturelles: les yôkaï (妖怪). Ce sont des entités volontiers espiègles et souvent malveillantes, qui ont l’apparence d’animaux et quelquefois d’êtres humains ou encore d’objets inanimés. On leur prête des pouvoirs spéciaux.
Parmi les yôkaï, il y a le kappa (河童) qui est de loin le plus populaire auprès des habitants de l’archipel. C’est le croque-mitaine japonais, qu’utilisent les parents qui souhaitent rendent leurs enfants sages.

Le kappa est effrayant, c’est une créature amphibie dotée d’un bec, de pieds palmés, d’une carapace de tortue, en plus d’arborer une peau de batracien.
Le kappa sent très très fort le poisson. Il a quatre pattes, mais peut être bipède ou nager comme le plus habile des requins. L’une de ses attaques préférée est d’attraper sa victime et de la noyer dans les profondeurs aquatiques.

Le Namahage est une créature effrayante qui hante les confins de la péninsule d’Oga, à l’extrême nord-est de Honshu, l’île principale du Japon, et qui s’attaque aux enfants désobéissants, paresseux ou enclins à pleurer. Pendant le Nouvel An, le Namahage se manifeste en emportant les récoltes et les enfants désobéissants. Il peut aussi errer dans les rues de la ville pendant la nuit et crier : « Y a-t-il des bébés qui pleurent ? », pour ensuite punir les braillards.

Souvent cornus, tenant une lame et les crocs découverts, les Namahage ne sont pas des démons, comme on pourrait le penser, mais plutôt des ogres.
La peur de l’ogre est suffisamment dissuasive pour obtenir les petits japonais restent calmes.

Cameroun: le ndjoundjou kalaba, le monstre aux mille visages
Il y a une figure essentiellement malveillante, que les parents brandissent encore comme le plus laid des épouvantails, pour obtenir l’obéissance de l’enfant turbulent, c’est le ndjoundjou kalaba. Il a le visage de toutes les peurs enfantines. C’est un horrible animal, ou même un être humain qui peut avoir des cornes, deux têtes, de très grosses dents, plusieurs mains velues aux ongles crochus, une énorme bouche pour avaler, des sabots pour cavaler, une longue queue pour chatouiller avant de dévorer, il peut aussi se transformer, devenir grand ou petit, disparaître et réapparaître. Il habite dans la forêt, mais aussi dans tous les coins sombres et inquiétants, comme les dessous de lit, les armoires, les maisons abandonnées, etc.
Les plaintes, avertissements et inquiétudes qui mettent en scène le ndjoundjou kalaba ne sont pas rares:
« Si tu n’arrêtes pas de t’agiter, j’appelle le ndjoundjou kalaba hein! », « Finis ton assiette, sinon le ndjoundjou kalaba va venir te chercher et t’emmener pour te manger », « Mama, je ne veux pas rester seul dans la chambre, j’ai peur du ndjoundjou kalaba », « Si tu sors dans le nuit, tu vas rencontrer le ndjoundjou kalaba », « Si tu ne brosses pas tes dents, le ndjoundjou kalaba va venir t’épouser ». Le terme est tellement évocateur qu’une personne physiquement peu gâtée par la nature, sera traitée de ndjoundjou kalaba.

Le ndjoundjou kalaba nous vient du sud-est du Nigéria, de l’État de Cross River (la ville de Calabar est sa capitale), baigné par la Manyu, une rivière qui prend sa source au Cameroun.
Le festival « ojuju calabar » donne la possibilité de voir à quoi ressemble un ndjoundjou kalaba, on peut y voir danser des hommes masqués, appartenant à la vénérable tradition de la société secrète Ekpo de la population Ibibio, Efik et Annang de Cross River. Les membres de la société secrète Ekpo fabriquent des masques impressionnants, aux visages inquiétants, destinés à évoquer la peur, le respect et la révérence. Ces masques inquiétants de laideur sont mis à contribution pour discipliner les enfants par la peur, et parfois pour réprimander les femmes.
Le ndjoundjou kalaba a traversé la frontière, il s’est habillé d’une prononciation qui accentue le tragique de la situation, il a encore des beaux jours d’épouvante devant lui, parce qu’il est évoqué dans toutes les peurs aux mille visages.

Le croque-mitaine dans le monde entier:
Tous les enfants turbulents du monde entier ont tous en tête une entité qui pourrait surgir et leur faire regretter leurs écarts de comportement.
En France, le croque-mitaine s’appelle tout simplement le croque-mitaine, le mangeur de doigts.
En Russie règne encore Baba Yaga, c’est un personnage énigmatique du folklore slave, à la fois capable de punir et de protéger. Ses traits distinctifs sont de voler dans un mortier en bois , de manier un pilon et d’habiter au cœur de la forêt dans une hutte avec des cuisses de poulet.
Aux Caraïbes, il y a Jumbie, un esprit humain diabolique, semblable au fantôme, qui hante le folklore caribéen. Les Jumbie sont des esprits malveillants qui s’attaquent principalement aux enfants.
En Afrique du Sud, le Tokoloshe , ou Tikoloshe, est une créature naine des mythologies xhosa et zouloue. On dit qu’elle est invoquée par les sangomas , guérisseurs traditionnels de la région. Il erre, causant des troubles et effrayant les enfants. Il est également décrit comme un petit sorcier musclé et poilu, doté d’un pénis exceptionnellement grand, qui visite les femmes en rêve et les agresse sexuellement.
En Haïti, il existe une entité semblable à un croque-mitaine, connue sous le nom de Mètminwi (le Maître de Minuit). Il est représenté comme un homme maigre et extrêmement grand qui se promène tard le soir et dévore les passants. Cette histoire est racontée aux enfants pour les dissuader de sortir tard.
En Albanie, le Buba est un monstre serpentin. Les mères disaient à leurs enfants de se taire, sinon le Buba les attraperait.
« L’ Homme au sac » est une variante du folklore du Croque-mitaine qui, comme son nom l’indique, consiste à enfermer des enfants dans un sac. On le retrouve principalement dans les cultures latino-américaines, comme en Argentine , en Uruguay , au Chili , au Paraguay et au Brésil, ainsi qu’en Europe latine, au Portugal et en Espagne.

Le croque-mitaine existe dans toutes les cultures, et a un nom indéfinissable à chaque fois. « Boogeyman » en anglais, « El Coco » en espagnol, « Boggelmann » en allemand, « Babau » en catalan.
Le croque-mitaine n’a pas fini de faire peur à nos chérubins espiègles.